La puissance de la croix du Christ dans les Sermons sur la passion du Seigneur de saint Léon le Grand

Fonte_www–ecodibergamo_it

Dix-neuf Sermons sur la Passion du Seigneur de saint Léon le Grand (440-461) sont repris dans le numéro 74 des Sources Chrétiennes[1]. On peut tirer, de ces Sermons, deux traits essentiels. L’un concernant la doctrine de la puissance de la croix du Christ et l’autre se rapportant aux conséquences de cette doctrine dans la vie chrétienne quotidienne.

Selon le pape Léon, le Christ a consommé «l’économie de tous les mystères et de tous les miracles» par sa Passion. Il a offert son origine divine et sa Passion pour nous «secourir de notre condition mortelle»[2]. Seul un cœur religieux et pieux, précise-t-il, est en mesure de saisir ce mystère qui apporte le salut à l’homme. Ce cœur renvoie à ce qu’il appelle l’«intelligence» qui est éclairée sur et par toutes les manifestations de l’histoire du salut. C’est en Jésus-Christ, Fils unique du Père, que cette histoire a atteint son accomplissement plénier dans un processus de dispensatio misericordiae et actio pietatis[3]. Et le point d’orgue de ce processus, c’est la mise sur la croix du Christ.

Quelle est signification de cette croix? Léon le Grand trouve la signification de la croix du Christ en rapport avec sa puissance divine et salvatrice. Elle est «la plus admirable, la plus sublime des toutes les œuvres pour lesquelles la miséricorde de Dieu s’est dépensée pour le salut»[4]. C’est elle «la raison véritable et la cause première de l’espérance chrétienne»[5]. Dans le souci de saisir les cœurs religieux et pieux au sujet de la puissance de la croix du Christ, notre Docteur utilise des expressions qui leur sont très illustratives et familières. L’acceptation de mourir sur la croix, cela représente le «secours: ops», le «prix: pretium (cf. 1Cor 6,20)», les «frais: impendium», le «moyen: recursus», par lequel Jésus-Christ, le Juste et le bienheureux, nous a offert la délivrance, le rachat, la guérison, la justice et le bonheur[6]. Cette mort du Christ sur la croix non seulement a annoncé, à travers la crucifixion des deux larrons, le jugement dernier où la foi aura pour prix le salut, en revanche l’impiété, la damnation, mais aussi a permis la conversion et le paradis au bon larron (Lc 23,42) et aussi le réveil des corps des saints (Mt 27,51-53)[7].

La croix du Christ signifie le sacramentum de notre salut et de notre gloire qui relève de sa volonté et exprime la clémence du Père en notre faveur.[8] Comme un «grand don», un «admirable changement», un «bref instant», cette croix constitue l’autel sur lequel Jésus-Christ est l’hostie du salut. Par cette hostie fut annulé «le pacte de l’ancienne prévarication» (Col 2,14), anéantie la tyrannie du diable, vaincu l’orgueil et détruite la culpabilité qui pesait sur le genre humain.[9]

Conscient de sa mission de pasteur, le Pape Léon tient sur les conséquences que cette doctrine provoque dans la vie des chrétiens. Pour nous en rendre compte, nous avons inventorié ses propos parénétiques à l’intention des chrétiens. Il exhorte les chrétiens à ne pas rougir de la croix du Christ. Il met en exergue la personne du Christ, Fils de Dieu, qu’il faut confesser publiquement parce que, par son «C’est moi» (Jn 18,5), il a pris en charge toute notre impiété pour notre rédemption[10]. Les chrétiens, «race spirituelle d’Abraham», sont appelés à étreindre le Christ, à se reformer à son image, à s’élever jusqu’à lui, à imiter son humilité et sa patience[11]. Car le Christ crucifié est le salutaris Paschae mirabile sacramentum[12].

Grâce aux vertus de la charité et la pureté, gage de la perfection, et aussi en embrassant la croix, salutis nostrae sacramentum, les chrétiens doivent courir courageusement vers la Pâques du Seigneur qu’ils doivent célébrer, en devenant des êtres célestes, comme le sommet leur espérance.[13] Avec honneur et de manière ininterrompue, les chrétiens doivent vénérer la croix du Christ, «ce mystère de la divine miséricorde», dont la grandeur et la puissance n’ont d’égal. Car cette vénération immunise leur «saine intelligence» sur la croix du Christ face à la contamination des impies, des Juifs et de païens[14].

Les chrétiens doivent agir dans la perspective de sauvegarder l’intégrité de leurs âmes. Pour cela, ils se rappelleront sans cesse que, par leur baptême, ils ont renoncé au diable et ont pris l’engagement de n’écouter que le Christ qui, par sa Passion, les a arrachés (eruti) à la puissance des ténèbres (Col 1,13), délivrés (absoluti) des liens qui les rendaient esclaves et leur a manifesté le pouvoir divin qui conduit à la vie éternelle[15].

Jusqu’à ce niveau, il nous parait indubitable que la puissance de la croix du Christ s’est vérifiée à travers la rédemption de l’homme. Ce qui signifie aussi la défaite du diable. La mise en exergue des exhortations de notre auteur est due, comme il le reconnait, au fait que le diable ne cesse pas de séduire les chrétiens et s’empare de ceux qui sont «négligents». Notre réflexion ne s’arrête pas ici. Car nous n’avons exposé que le fruit de notre lecture de ses 6 premiers Sermons. Nous poursuivrons notre lecture.

Prof. Joseph Mukondua Zung, CSsR


[1] Leo Magnus, Sermones, éd. R. Dolle, (Sources Chrétiennes 74), Éditions du Cerf, Paris 1961, 22-122. Nous utiliserons désormais l’abréviation : Serm.

[2] Leo Magnus, Serm. 43, 1 (SCh74, 41-42).

[3] Leo Magnus, Serm. 39, 2 (SCh 74, 24).

[4] Leo Magnus, Serm. 41, 1 (SCh 74, 30).

[5] Leo Magnus, Serm. 43, 1(SCh 74, 41).

[6] Leo Magnus, Serm. 39, 1 (SCh 74, 24).

[7] Leo Magnus, Serm. 42, 1 (SCh 74, 36-37) ; 40, 1-2 (SCh 74, 27-29).

[8] Leo Magnus, Serm. 41, 1 (SCh 74, 30) ; 42, 1 (SCh 74, 37).

[9] Leo Magnus, Serm. 42, 3(SCh 74, 38).

[10] Leo Magnus, Serm. 39, 3 (SCh 74, 24).

[11]  Saint Léon oppose la patience du Christ à l’aveuglement des Juifs. Selon lui, « l’aveuglement des Juifs n’a rien obtenu, sinon de se perdre lui-même par son impiété ; la patience du Christ au contraire a fait que tous les hommes soient sauvés par sa Passion » Leo Magnus, Serm. 44, 1 (SCh 74, 45).

[12] Leo Magnus, Serm. 40, 3 (SCh 74,29-30).

[13] Leo Magnus, Serm. 42, 5 (SCh 74, 39-40).

[14] Leo Magnus, Serm. 43, 1-2 (SCh 74, 41-43).

[15] Leo Magnus, Serm. 44, 5 (SCh 74, 48).

Nessun commento

Lascia un commento

Il tuo indirizzo email non sarà pubblicato. I campi obbligatori sono contrassegnati *